اصطلاحات کاربردی در زبان فرانسوی – قسمت دهم
مهر ۱۴, ۱۴۰۱
کاربردهای du coup در زبان فرانسه
مهر ۱۴, ۱۴۰۱
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Le petit canard vert

در مسیر آموزش زبان فرانسه، قابلیت درک شفاهی زبان فرانسوی یا (compréhension orale)  یکی از مهمترین مواردی است که زبان آموزان زبان فرانسوی، می بایست بر روی آن کار کنند.

ما با استفاده از متدهای به روز آموزش زبان فرانسه، شما عزیزان را در آموزش آنلاین زبان فرانسه همراهی خواهیم کرد.

در این سر فصل داستان های ساده صوتی را برای شما آماده کرده ایم. ابتدا سعی کنید دو مرتبه  این داستان صوتی فرانسوی را بدون نگاه کردن به متن گوش کنید.

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Le petit canard vert

 Il faisait dans la campagne le plus délicieux temps du monde, car le soleil d’été brillait dans toute sa beauté. Le blé était mûr, les chênes étaient verts : dans les prairies, le foin avait été mis en meules qui avaient tout l’air de monticules d’herbe ; et la cigogne au long bec emmanché d’un long cou se promenait çà et là sur ses longues jambes rouges, parlant égyptien à tout venant, car c’est la langue que lui avait apprise sa mère. Tout alentour, dans les champs et dans les prairies, s’élevaient des taillis plus ou moins épais, développant çà et là leur verte ceinture autour de lacs aux eaux profondes et à la surface unie que la brise venait rider par instants. Oh ! oui, la campagne était alors admirable. Un vieux manoir, avec ses remparts flanqués de fossés, s’élevait là au radieux éclat du soleil aussi fier, aussi féodal qu’il avait pu l’être jadis. Depuis l’extrémité supérieure du rempart jusqu’au bord de l’eau croissait toute une forêt de pas-d’âne.  Les jets en étaient si grands, si élevés, que de petits enfants auraient pu aisément se tenir tout debout sous leur ombrage. Vous eussiez été tenté de vous croire là dans un petit désert, tant les herbes y poussaient avec une vigoureuse indépendance, et tant il y régnait de calme. Une cane était assise là dans son nid, s’appliquant de son mieux à faire éclore une petite couvée. Mais elle était fatiguée de cette fastidieuse tâche, quelque importante qu’elle fût à ses yeux, parce qu’elle lui prenait beaucoup de temps et qu’elle était cause qu’on venait rarement la voir. Les autres canards aimaient en effet bien mieux nager dans les fossés et dans les étangs d’alentour, que de s’en venir là percher à l’étroit pour causer un peu avec la pauvre et tendre mère. Enfin « crac ! » fit un œuf ; « crac ! » fît un autre, puis un troisième, un quatrième, un cinquième et un sixième. « Pip ! pip ! » cria quelque chose ; « pip !pip ! » répondit-on de tous côtés plus d’une douzaine de fois. Les jaunes de tous les œufs étaient soudainement arrivés à la vie ; et les petits êtres à moitié nus élevaient tout ébahis leurs têtes au-dessus d’une habitation devenue bientôt pour eux aussi incommode que peu sûre. « Couic ! couic ! » disait la mère ; et alors tous ces petits êtres se pressaient le plus qu’ils pouvaient, regardant autour d’eux, comme s’ils voulaient jouir de la vue du vert feuillage qui les entourait ; et la mère les laissait regarder tout à leur aise, parce qu’elle savait qu’il n’y a rien de si bon pour les yeux que le vert. « Que l’univers est donc grand ! » dit l’un des petits canetons ; et de fait ils avaient là devant eux pour s’ébattre un espace bien autrement vaste que l’œuf dans lequel ils étaient restés jusqu’alors. « Pensez-vous, répondit la mère, que ce soit là tout l’univers ? oh ! il s’étend bien au-delà de ce jardin et encore du petit champ où paît en ce moment la vache de M. le curé. Cependant jamais je ne suis allée si loin. Ah çà ! j’espère bien que vous êtes maintenant tous là », ajouta-t-elle de ce ton inquiet qu’une mère seule peut avoir. Et ce disant, elle se leva sur ses pattes ; quoique, en agissant ainsi, sa petite progéniture gazouillante s’en trouvât toute dérangée, quelque précaution qu’elle y mît. « Mais non, ils ne sont pas encore tous là, dit avec un profond soupir la couveuse fatiguée. Le plus gros œuf y est toujours : combien ça durera-t-il encore ? J’en suis vraiment malade… » « Eh bien, comment ça va-t-il à présent ? » demanda alors un vieux canard qui venait rendre une visite en règle à son amie. « Il reste toujours un œuf à éclore, répondit la cane d’un ton plaintif. Il faut que la coquille en soit trop dure pour que la pauvre petite créature ait la force d’y faire un trou. Mais vous allez voir les autres : ce sont bien les plus délicieux petits êtres qui aient jamais réjoui le cœur d’une mère. » « Maintenant faites-moi voir l’œuf qui ne veut pas éclore, dit le canard d’un ton capable. Il faut, vous pouvez m’en croire, que ce soit un œuf de dinde ; j’y ai moi-même été une fois attrapé, et je vous laisse à penser la rude besogne que j’ai eue avec cette marmaille-là ; car il faut que je vous  dise qu’ils avaient une peur, mais une peur de l’eau ! Que de fois j’essayais de les tromper ! comme je vous les grondais et rudoyais de la belle façon ! Rien n’y faisait, ils étaient décidés à n’y jamais mettre les pieds. Mais faites-moi donc voir cet œuf si têtu. Oui, c’est bien ça : c’est un œuf de dinde ! Vous êtes trop bonne de vous inquiéter d’un idiot de cette espèce. Que ne quittez-vous tout de suite votre nid, et ne donnezvous aux autres une bonne leçon de natation ! » « Non, je préfère rester ici un peu plus de temps, répondit la vieille cane en secouant la tête. Comme voilà déjà longtemps que je les couve, quelques jours de plus ou de moins ne sont pas une affaire. Non : je resterai, dussé-je y perdre tout le temps que nous pouvons donner au plaisir. » « Eh bien, à la bonne heure ! faites ce qu’il vous plaira », repartit d’un ton goguenard le vieux canard ; et il prit congé d’elle avec assez d’impertinence. « Cet imbécile-là lui donnera pas mal de fil à retordre », pensa-t-il sagement à part lui en s’en allant.  Enfin, le gros œuf vint à éclore : « Pip ! pip ! » cria le petit nouveau venu tout effrayé, ou plutôt le petit paresseux, en sortant sa tête et ses pattes de la coquille. C’était à vrai dire quelque chose de fort laid et de très grand. Sa mère osait à peine le regarder ; et plus elle le regardait, moins elle savait ce qu’elle devait dire. Enfin elle s’écria tout à coup : « L’horrible petite créature que cela fait ! Mais serait-ce bien un imbécile de coq d’Inde ? attendez un peu : il ne me sera pas difficile de savoir bientôt à quoi m’en tenir làdessus. Il ira dès demain à l’eau ; car sans faire à ce sujet d’inutiles frais de paroles, je vous l’emmènerai tout à coup avec moi : et s’il ne peut pas nager et plonger de la bonne façon, il faudra qu’il se noie – et cela lui apprendra. » Le lendemain, le temps était délicieux. Jamais les rayons du soleil n’avaient brillé d’un si vif éclat sur les feuilles sonores des pas-d’âne. La mère cane s’en vint en canetant avec toute sa petite famille sur ses talons. Platsch ! fit-elle tout à coup, et au même instant elle entra dans l’eau. « Couic ! couic ! » cria-t-elle, et les petits canards de suivre son exemple l’un après l’autre. Pas un ne demanda à rester en arrière. L’eau passait bien de temps à autre par-dessus leurs têtes, mais ils reparaissaient tout de suite à la surface et savaient déjà admirablement nager. Leurs pattes allaient d’elles-mêmes : tous étaient là, jusqu’à ce vilain petit paresseux tout gris qui nageait aussi joyeusement que pas un de la bande. « Allons ! décidément ce n’est point un coq d’Inde, dit la vieille cane ; voyez donc un peu avec quelle agilité le petit gaillard vous joue des pattes ! comme il se tient droit ! Le fait est que c’est une fort jolie petite créature dont il me faut avoir bien soin. Couic ! couic ! viens avec moi, mon petit chéri ; je t’introduirai dans le grand monde, et je te présenterai à toute la basse-cour ; seulement, aie bien soin de rester auprès de moi, sans cela on te foulerait aux pieds ; mais surtout gare au chat ! » Et en parlant de la sorte elle conduisit tous ses petits dans le poulailler. Il s’y faisait précisément en cet instant un terrible brouhaha ; car deux respectables femelles se querellaient au sujet d’une tête d’anguille ; mais le chat les mit bientôt d’accord en vous emportant avec lui l’objet du litige. « Voilà pourtant comme va le monde ! » dit la vieille cane en se léchant le bec, car elle n’aurait pas été fâchée d’avoir, elle aussi, sa part de la tête de l’anguille. « Maintenant courbez vos pattes, dit-elle à part à ses petits, et saluez poliment, par une gracieuse courbette du cou, ce vieux canard que vous voyez là-bas, et qui est très incontestablement le plus grand des êtres de céans. Il est de véritable race espagnole, c’est ce qui fait qu’il a l’air si avantageux et si content de lui-même. Voyez donc, il a un morceau de chiffon rouge à la patte gauche : c’est la plus glorieuse distinction que jamais canard puisse obtenir. Elle signifie que bêtes et gens, chacun doit ici l’honorer et le respecter, et que le rare bonheur de pouvoir passer ses jours en paix lui est échu en partage. Dépêchez-vous, mes enfants ; mais au nom du ciel ne tournez pas comme cela vos pattes en dedans. Un enfant bien élevé tient toujours les pattes en dehors, comme papa et maman ; faites comme moi, et obéissezmoi bien en tout. En outre, quand vous vous  inclinez ou lorsque vous saluez, n’oubliez jamais de donner une courbure gracieuse à votre cou ; puis alors dites hardiment : couic ! couic ! mais pas une syllabe de plus. » Ainsi firent-ils tous. Mais les autres canards qui se trouvaient là les regardèrent d’un air dédaigneux, et se prirent à dire assez haut pour être entendus : « Par ma foi ! elle avait bien besoin de nous amener ici cette stupide couvée, comme si déjà nous n’étions pas assez sans cela ; quelle horreur que cet être gras et laid que voilà ! nous ne voulons pas d’un monstre pareil parmi nous ! » Et au même instant un effronté canard courut sur le pauvre petit intrus vert et le mordit au cou tant qu’il put. « Laissez-le donc tranquille ! s’écria la mère indignée ; il ne vous fait aucun mal, et je ne souffrirai pas que vous le maltraitiez. » « C’est possible, repartit l’insolent canard, mais il est trop grand pour son âge, et d’ailleurs il est si laid ! Il est donc nécessaire qu’il apprenne à vivre. » « Tous les petits enfants de la mère sont  réellement bien gentils, dit alors le vieux canard au chiffon rouge à la patte, bien gentils en vérité tous, à l’exception de cet individu qui est loin d’être parfait. » « J’en suis bien fâchée, monsieur, repartit la mère de la couvée, en faisant un violent effort sur elle-même pour dissimuler sa mortification ; certes il n’est pas beau, mais il a d’excellentes dispositions et il nage aussi bien que pas un des autres ; je pourrais même dire qu’il nage mieux. Je crois qu’il sera fort gentil quand il sera un peu plus âgé, si au lieu de grandir il s’arrondit et acquiert de plus justes, de plus gracieuses proportions. Il est resté trop longtemps dans son œuf ; c’est ce qui fait que sa taille a un peu souffert. » Tout en parlant ainsi en faveur de son malheureux petit enfant, la cane s’efforçait de faire reluire son uniforme vert foncé là où il avait été endommagé, unissant à l’aide de son bec ses plumes ébouriffées, et remettant autant que possible tout en ordre. « Car soyons justes, continua dans sa sollicitude la tendre mère, on n’exige pas chez un canard cette élégance, cette délicatesse, cette rondeur de formes qui font le principal attrait d’une cane. M’est avis que ce petit gaillard-là finira par devenir quelque jour un fort joli cavalier, et je ne crains pas de dire qu’il fera son chemin. » « Les autres petits sont vraiment de charmantes créatures, dit encore le vieux canard de race espagnole ; faites comme si vous étiez chez vous, mes petits amis, ajouta-t-il, et si vous trouvez une tête d’anguille ou quelque chose comme cela, n’oubliez pas de me l’apporter. » La nouvelle couvée se trouva donc bientôt tout à fait chez elle. Seul, le pauvre oiseau vert sale qui était si laid et qui était sorti si tard de son œuf, était conspué, bourré, battu, mordu par les canards et par tous les autres oiseaux de la bassecour. « Il est trop grand », disaient-ils tous en chœur ; et ce bravache de coq d’Inde qui se croyait presque l’égal d’un empereur parce qu’il portait des éperons, se rengorgeait pendant ce temps-là et s’enflait comme un navire qui a toutes voiles dehors ; et plus, dans sa folie, il faisait ainsi le rodomont, plus sa crête orgueilleuse devenait rouge. Le pauvre caneton honni et persécuté ne savait plus où il en était ni que devenir. Le chagrin des mauvais traitements dont il était victime dans le poulailler à cause de sa prétendue laideur, pesait bien lourdement sur son cœur innocent. Les choses allèrent ainsi tout le long du premier jour, et ensuite elles ne firent qu’empirer encore. Le petit canard vert sale qui était si laid devint la bête noire de tous, jeunes et vieux. Ses frères eux-mêmes le regardaient de fort mauvais œil et ne se gênaient point pour lui dire : « Si le chat pouvait t’emporter, vilain laideron ! » Jusqu’à sa propre mère qui, succombant sous le poids du désappointement, disait souvent en soupirant : « Oh ! combien je souhaiterais de ne t’avoir jamais couvé, et que je voudrais donc te voir loin d’ici ! » Les canards le mordaient, les poules s’en venaient le frapper sans pitié de leurs becs ; et la fille de basse-cour qui leur apportait à tous à manger, le foulait souvent de ses pieds.  Il finit alors par tenter un effort désespéré : il s’envola aussi loin que ses jambes fatiguées et ses faibles ailes purent le porter ; et, quoique la terre boueuse sur laquelle il lui fallait fuir ne fût pas son élément, il parvint, comme soutenu par quelque pouvoir surnaturel, à franchir les palissades qui entouraient le poulailler. Sur son passage les petits oiseaux chanteurs abandonnaient avec effroi les buissons. « C’est parce que je suis si laid », pensa le pauvre petit fugitif, en fermant les yeux. Néanmoins, guidé par l’instinct, il ne cessa pas pour cela de toujours aller en avant, se dirigeant vers un point vague et inconnu. C’était un vaste marais tout entouré de bois et où habitaient un grand nombre de canards sauvages. Il y resta toute la nuit, triste, à moitié mort de fatigue et ayant à peine la conscience de lui-même. Pendant ce temps la lune brillait de sa clarté la plus douce ; et on eût pu volontiers croire qu’elle raillait les grenouilles au cœur joyeux lorsqu’elles sautaient de l’herbe dans l’eau, puis de l’eau sur le gazon, dansant à la ronde comme autant de vilaines petites fées. À la pointe du jour les canards sauvages quittèrent, à l’aide de leurs ailes frémissantes, leurs lits humides et mous pour s’élever dans la bleuâtre atmosphère d’été. Ils regardèrent avec étonnement leur nouveau camarade. « Quel drôle de petit corps ! s’écrièrent-ils ; d’où peut-il venir ? » Et pendant ce temps-là l’étranger au plumage vert sale se tournait avec le plus de politesse qu’il lui était possible, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, saluant à droite, puis à gauche, avec plus de grâce qu’une maîtresse à danser, toutefois avec moins de désinvolture qu’un maître à danser. « Vous êtes désespérément laid, mon cher, lui dirent les canards sauvages, mais cela nous est à peu près égal pourvu que vous ne vous mariiez pas parmi nous. » Le pauvre malheureux souffre-douleur ! Il n’avait certes jamais pensé à se marier. Tout ce qu’il demandait, c’était de pouvoir rester tranquille au milieu des joncs et boire un peu d’eau marécageuse. Et il était là depuis deux jours pleins, seul et  abandonné de tous, lorsque survinrent enfin deux jars sauvages. Leur joie, leur pétulance étaient extrêmes, car eux aussi ils étaient tout frais sortis de leur œuf. « Écoutez donc un peu, vous là-bas qui êtes laid, l’individu à l’habit vert, lui crièrent-ils ; savez-vous bien que nous vous avons pris en amitié ? Venez-vous-en avec nous et partons tous ensemble. Tout près d’ici se trouve un autre marais, où habitent quelques magnifiques oies sauvages, de délicieuses petites créatures qui sont restées tout l’automne dernier sans galants. Vous ne pouvez manquer d’avoir un succès fou auprès d’elles, car vous êtes bien assurément un chefd’œuvre de laideur ! » Pouf ! paf ! fit à ce moment quelque chose qui partit au-dessus de leurs têtes, et les deux jars sauvages tombèrent morts, tandis qu’en même temps l’eau se rougissait tout alentour de leur sang. On entendit encore pouf ! paf ! et des bandes entières d’oies sauvages s’envolèrent du milieu des herbes et des roseaux. Les décharges se succédèrent rapidement, car c’était ce jour-là  grande chasse sur la terre de laquelle dépendait ce marais. Les chasseurs entourèrent la pièce d’eau, et quelques-uns se postèrent même dans les arbres dont les branches s’étendaient au-dessus des roseaux. La fumée bleuâtre s’échappait en nuages à travers le feuillage sombre et vert et remplissait l’horizon à la ronde, de formes vagues ayant l’apparence de spectres. Les chiens allaient et venaient dans l’épais marécage, faisant jaillir de tous côtés l’eau en larges éclaboussures, sans le moins du monde se soucier de la brise qui retentissait si mélancoliquement en se heurtant contre les ondoyantes tiges des roseaux. Ce fut là un terrible sujet d’effroi pour notre pauvre petit canard. Il essaya bien un instant de cacher sa tête sous ses ailes, afin de ne rien voir de l’horrible spectacle qu’il avait sous les yeux ; mais survint tout à coup un grand et effroyable chien dont la langue rutilante pendait hors de sa bouche et dont les yeux brillaient d’une sanguinaire ardeur. Le monstre arriva reniflant, flairant, et entrouvrant toutes grandes ses mâchoires, juste à côté du pauvre petit oiseau qui cette fois se crut bel et bien perdu ; sa gueule ressemblait à un gouffre béant et menaçant, et une effroyable rangée de dents apparaissait montrant les armes offensives et défensives de ce dévorant ennemi. Il arriva en faisant jaillir l’eau de tous côtés au loin, mais il fut assez généreux pour continuer sa route sans daigner prendre sa facile proie. « Oh ! je lui dois en vérité beaucoup de reconnaissance ! s’écria en soupirant l’oiseau au plumage vert sale ; je suis si laid que ce chien avide ne daigne même pas me donner un coup de dent ! » Il resta de la sorte tout coi et bien tranquille là où il se trouvait, sans bouger le moins du monde, pendant que les grains de plomb sifflaient au-dessus de sa tête à travers les roseaux, et que les détonations d’armes à feu se succédaient comme si on eût bombardé une forteresse. Il était tard dans l’après-midi lorsque le bruit des décharges cessa peu à peu. Le pauvre petit canard qui avait été si miraculeusement sauvé, n’osa pas cependant s’aventurer loin de sa cachette. Il attendit plusieurs heures avant de se décider à lever avec précaution sa tête de dessous  ses ailes, et regarda alors timidement tout autour de lui ; puis tôt après, il s’éloigna avec le plus de rapidité qu’il put de cette scène de carnage et d’horreur. Si naguère il avait abandonné le poulailler avec épouvante, il prit maintenant la fuite avec bien autrement de terreur. Il franchit de son mieux les champs et les prairies, s’efforçant de s’éloigner toujours davantage de cet affreux marais, où il avait pourtant cru un instant pouvoir trouver un si paisible asile. Une tempête violente qui s’éleva au coucher du soleil, ne daigna pas montrer la moindre compassion pour le petit fugitif à peine vêtu à moitié de ses plumes, de sorte qu’il lui devint très difficile de continuer sa route et qu’il commença à perdre de ses forces. Ce soir-là néanmoins il atteignit une chétive chaumière réduite à un si misérable état de délabrement, que si pour le moment elle restait là comme elle était, c’est qu’elle ne savait pas encore bien de quel côté elle devait tomber. Le pauvre oiseau se glissa du mieux qu’il put dans le chaume qui recouvrait les pans de cette chaumine ; le vent tourbillonnait avec tant de violence et le secouait si rudement, qu’il dut se  tapir sous sa queue pour ne point être emporté au loin. La tempête finit toutefois par s’apaiser : et alors le petit canard s’aperçut à sa grande joie que la porte vermoulue de la chaumière était entrebâillée, de sorte qu’elle offrait une ouverture assez grande pour qu’il pût se glisser dans la salle basse. Certes cette chaumière, par son aspect, ne lui promettait pas de grandes commodités ; mais après tout elle était encore assez bonne pour lui servir d’abri, et le petit étranger se décida donc à y entrer. Une vieille femme demeurait là avec son chat et une poule. Le chat faisait si bien ron ron, qu’on eût cru entendre le jeu d’un rouet ; aussi disait-on de lui qu’il n’y avait pas de fileur pareil, sans compter qu’on n’avait qu’à caresser pendant quelque temps sa robe à contre-poil, pour en faire jaillir de belles étincelles. La vieille femme, par manière de flatterie, ne l’appelait jamais que mon fils. De son côté, la poule était perchée sur des pattes très courtes, de sorte qu’on ne l’appelait que petite-patte. Elle pondait régulièrement les  plus beaux œufs du monde, et sa maîtresse l’aimait comme son propre enfant. La paix et le bonheur habitaient d’ailleurs sous ce chancelant petit toit de chaume, ainsi que cela arrive si souvent sous des toits du même genre. Le matin, on eut bientôt découvert cet hôte aussi étrange qu’indiscret ; le chat commença à filer, et la poule à glousser. « Qu’est-ce que tout ce vacarme-là ? » dit la vieille femme, qui se mit immédiatement à fureter dans tous les coins de sa maison ; et en apercevant notre petit et chétif oiseau elle le prit pour quelque canard du voisinage, qui dans l’obscurité s’était égaré de ce côté. « Voilà, ma foi, qui me va à merveille ! s’écria-t-elle avec une joyeuse surprise. Peut-être aurai-je maintenant des œufs de cane ! Il faudra que j’essaye. » Or, messire chat était le véritable maître de céans, tout comme la poule en était la maîtresse. Aussi en parlant d’eux-mêmes disaient-ils toujours : « Nous et le monde. » Le petit canard ne pouvait à la vérité s’empêcher de penser que  probablement deux opinions existaient à ce sujet ; mais la poule ne voulait pas entendre raison ni permettre le moindre doute là-dessus. « Savez-vous pondre des œufs ? » disait-elle. « Non ! » « Eh bien, ayez l’obligeance de clore votre bec ! » Et le chat de lui dire à son tour : « Savez-vous filer ? savez-vous faire ron ron ? » « Non ! » « Eh bien, gardez-vous de souffler mot quand des gens sensés parleront devant vous. » Et le pauvre petit oiseau vert se tenait tout tristement dans un coin, luttant vainement contre la mauvaise humeur dont ses deux entêtés compagnons étaient la cause, mais qu’ils ne partageaient certes pas. Il songeait bien souvent au bon air frais et aux joyeux rayons du soleil des champs. Il éprouvait alors un si vif désir, une envie si poignante de nager sur la surface de l’eau bleuâtre, de barboter dans le liquide élément, et de s’en donner encore une fois à cœur joie, qu’après une nuit passée sans sommeil il ne put pas s’empêcher de communiquer ses pensées à la poule. « Quelles sottes lubies vous mettez-vous maintenant dans la tête ! » lui répondit la poule d’un ton plus sec que ne lui avait encore permis son humeur placide. « Vous n’avez rien à faire ; et c’est précisément votre fainéantise qui cause vos tourments, qui est l’origine de vos stupides caprices… Tâchez d’être bon à quelque chose, de pondre des œufs ou bien de filer un peu, et tout cela vous passera bientôt. » « Ah ! si vous saviez combien il est délicieux de nager sur l’eau, reprit en soupirant le petit canard ; quel plaisir c’est de plonger tout au fond, puis de regarder la lune à travers le brillant et liquide cristal ! » « Oui, ma foi, voilà un beau plaisir ! repartit la poule, qui finit par se fâcher. Je crois, en vérité, que vous êtes fou ! Interrogez plutôt Grosminet ; c’est bien le personnage le plus sensé de ma connaissance. Allez un peu lui demander s’il aime à nager sur l’eau, ou encore à plonger jusqu’au fond. Je ne parle pas de moi. Mais, tenez ! interrogez aussi notre bonne maîtresse, la vieille dame de céans. Je ne sache pas qu’il y ait au monde une plus prudente personne. Croyezvous donc qu’elle se soucie beaucoup de s’en aller nager ? » « Vous ne me comprenez pas », répondit le canard, en proie à une tristesse profonde. « Ah çà ! qui vous comprendra donc, monsieur Bec-jaune, si cela est au-dessus de notre portée ? dit la poule de son ton le plus rude. J’espère bien que vous n’avez pas la prétention d’en savoir plus long que Grosminet et que notre maîtresse, pour ne rien dire de moi-même. Allons ! ne prenez pas comme ça votre air renfrogné ; soyez reconnaissant, au contraire, de toutes les bontés et de toutes les attentions dont vous avez été l’objet. N’avez-vous pas ici une bonne chambre bien chaude, et, par-dessus le marché, des compagnons de qui, sans trop me flatter, vous pouvez apprendre quelque chose ? Je vous avouerai franchement qu’il y a en vous beaucoup trop de l’insipide jaseur et du rêveur au long cou, pour que nous trouvions grand plaisir dans votre compagnie. Vous pouvez avoir toute confiance en ce que je vous dis là, car au fond je vous veux du bien. Je ne vous dis, il est vrai, que des choses qu’il vous est désagréable d’entendre, mais c’est là précisément à quoi on reconnaît ses véritables amis. Encore un coup, arrangez-vous de manière à pondre des œufs, ou apprenez à filer. » « Je crois que je préférerais encore de courir le monde », dit le petit canard en faisant appel à tout son courage. « À la bonne heure ! ne vous gênez pas, reprit la poule d’un ton rien moins que civil ; ce n’est pas nous tout au moins qui perdrons grand-chose à votre absence. » Et alors, sans faire plus de frais de paroles pour leur dire adieu, le pauvre petit canard vert reprit de nouveau sa course vagabonde. Quittant sans regret cette chaumière inhospitalière, il se dirigea bien vite vers les eaux après lesquelles il soupirait depuis si longtemps. Alors il se mit à nager joyeusement sur l’onde transparente, d’une façon qui semblait assez étrange pour un canard, plongeant hardiment jusqu’au fond, puis de là regardant la lune dont le pâle disque vu à travers le cristal des eaux avait l’air d’une boule brillamment illuminée à l’intérieur. Mais alors le calme profond de cette scène le rejetait dans un poignant découragement ; et s’il venait à entrevoir le moindre animal, les seuls compliments qu’il en obtînt étaient ceux-ci : « Oh ! la vilaine créature ! va-t’en de mon chemin, petit monstre ! » L’automne touchait maintenant à sa fin, et l’atmosphère était toute chargée de nuages neigeux. Les feuilles des arbres devenaient chaque jour plus fanées et plus jaunes, ou bien dansaient tristement emportées au loin par le souffle glacial des vents. Au haut du ciel semblait régner un froid des plus vifs, et à chaque instant les nuages pesants s’entrechoquaient pour se résoudre en une pluie froide ou bien en giboulées mêlées de grêle. Le noir corbeau voltigeait à côté des grandes routes, faisant retentir l’air de ses lugubres croassements ; rien que d’y penser il y avait là de quoi frissonner. Oh ! le pauvre petit canard, objet des railleries de tous, était en vérité dans une bien triste position. Par une pâle et froide après-midi, au moment même où le soleil descendait sous l’horizon, avec sa large figure bronzée ressemblant à une roue de feu attachée au char triomphal de la création, une troupe de grands et magnifiques oiseaux sortit tout à coup avec bruit des buissons incessamment battus par les eaux que soulevait la tempête. Le vilain petit oiseau vert pensa qu’il n’avait encore jamais rien vu de si grand ni de si beau. Leur plumage sans tache brillait à l’instar de la neige ; et leur long cou, gracieusement arrondi, ressemblait à un ondoyant pont de coton, se soulevant et s’abaissant tour à tour entre le ciel et l’eau. C’étaient des cygnes. Ils s’en allaient gagner les chaudes contrées où la surface des lacs ne gèle jamais, produisant avec leurs longues et magnifiques ailes un bruit harmonieux. Ils volaient si haut, si haut, que le pauvre petit oiseau, resté en bas, commença à éprouver quelque chose de singulier. Il se tournait et retournait dans l’eau, tendant le cou après eux bien haut en l’air, et pour la première fois de sa vie il poussa alors un petit cri si étrange qu’il se fit peur à lui-même. Oh ! à partir de cet instant il lui fut bien impossible de jamais oublier ces beaux, ces heureux oiseaux ! Et quand ils disparurent tout à fait au fond du grisâtre horizon, semblables à quelque feu follet ou à quelque étoile filante, il plongea jusqu’au plus profond de l’eau ; puis quand il revint à la surface, il ne se sentit pas de joie. Il ne savait ni le nom de ces oiseaux, ni où ils allaient. Et cependant il les aimait comme il n’avait encore rien aimé au monde. Il ne leur portait toutefois pas du tout envie ; comment, en effet, aurait-il pu jamais avoir un seul instant la pensée d’être aussi grand, aussi beau qu’eux ? Il se fût estimé trop heureux si ces imbéciles de canards ses frères avaient seulement consenti à le tolérer, – lui, le pauvre vilain petit être ! Et l’hiver qui vint fut si froid, si terriblement rigoureux ! Pour ne pas mourir de froid, le pauvre oiseau vert était forcé de continuellement nager aussi vite que possible sur ses chaudes plumes. Mais chaque nuit l’espace dans lequel il pouvait nager se rétrécissait davantage. À mesure qu’elle acquérait plus d’épaisseur, la glace faisait  entendre de sinistres craquements. Enfin, il finit par se trouver si fatigué et si faible, que force lui fut de rester coi et immobile, et qu’il se trouva bientôt pris dans la glace et aux trois quarts gelé. Le lendemain de grand matin passa d’aventure par là un paysan. Il vit la position désespérée du malheureux, et eut pitié de lui ; car, voyez-vous, un paysan a un cœur tout comme l’oiseau qui chante si tendrement dans sa cage, ou bien qui brise sa tête contre les barreaux. Notre brave homme de paysan s’avança courageusement sur la glace, la brisa avec ses sabots, réussit à sauver le pauvre petit oiseau déjà engourdi, et le rapporta chez lui à sa femme : là, dans une bonne chambre bien chaude, il ne tarda pas à se rétablir complètement ; puis il devint peu à peu assez fort pour pouvoir jouir des quelques plaisirs qui lui étaient accordés bien parcimonieusement, il faut le dire. Les enfants de la maison essayèrent un beau jour de jouer avec lui, mais le petit canard pensa qu’ils allaient lui faire du mal ; et alors, saisi d’effroi, il s’envola sur un pot au lait en terre, qui  du coup fut immédiatement brisé en mille morceaux, tandis que le lait qu’il contenait se répandait à terre. La maîtresse du logis jeta à cette vue les hauts cris en levant les mains au ciel. Ce geste effraya tellement le pauvre petit oiseau qu’il s’enfuit sur la jatte à crème, puis dans le pétrin à farine et enfin au loin dans la cour. Oh ! qu’il paraissait en proie à une vive épouvante ! En effet, cette femme courait toujours après lui, les pincettes à la main et poussant les plus violentes clameurs, tandis que dans leur ardeur à le poursuivre les enfants tombaient les uns sur les autres, riant à qui mieux mieux et poussant de grands cris de joie. C’était là pour eux une joyeuse partie ; mais il n’en était pas de même pour le pauvre petit oiseau qui maintenant, au lieu d’être vert, se trouvait blanc comme neige, grâce à la couche épaisse de farine dont son plumage s’était enduit dans le pétrin. Heureusement la porte de la maison était alors ouverte, et, dans ce moment de confusion, il se hâta de saisir l’occasion favorable pour gagner le grand air. Après avoir voltigé avec beaucoup de difficulté vers les taillis voisins, il  ne tarda pas à tomber épuisé de fatigue dans la neige. Il y resta immobile et insensible, comme la marmotte pendant son sommeil d’hiver. Oh ! ce serait en vérité bien trop long de vous raconter toutes les misères, tous les tourments que le pauvre oiseau eut à supporter pendant ce long et rigoureux hiver ! Je me bornerai à vous dire qu’il gisait au milieu des herbes d’un marais, comme sous le poids de quelque rêve, lorsque le soleil revint réchauffer de nouveau la terre. En sentant la douce étreinte du printemps et en entendant le chant des alouettes, le petit canard, transporté d’aise, agita ses ailes. Elles firent beaucoup plus de bruit qu’autrefois, et elles lui aidèrent à s’élever hardiment dans l’air. Presque avant de savoir où il était, il se trouva dans un grand jardin dont les arbres à fruit étaient tout chargés de fleurs, où le sureau répandait au loin sa douce senteur, tandis que ses longues branches vertes pendaient jusqu’à la surface de l’eau qui serpentait limpide à travers la plaine. Oh ! que ce printemps était donc frais et délicieux ! et alors il vit sortir d’un bosquet trois magnifiques cygnes blancs, qui se mirent à nager gracieusement sur  l’eau. Le pauvre petit canard reconnut tout aussitôt les beaux oiseaux au plumage si brillant et si doux de l’automne dernier ; et à cette vue il se sentit involontairement pris d’une mélancolique tristesse. « Je vais aller les trouver, ces royaux oiseaux, se dit-il à lui-même ; ils me tueront, je le sais, pour me punir d’avoir osé approcher d’eux ma laideur. Mais cela m’est égal. Il vaut mieux en tout cas être tué par eux que d’être mordu par les canards, pincé par les poules et houspillé par la fille de basse-cour, sans compter toutes les souffrances et les misères qu’il me faut en outre endurer pendant l’hiver. » En proie à ces pensées, il se plongea sans hésitation dans l’eau, et nagea avec dignité vers les trois beaux cygnes qui, dès qu’ils aperçurent l’étranger, déployèrent toutes les plumes de leurs ailes. « Tuez-moi, oh ! tuez-moi ! » s’écria la pauvre créature, en courbant humblement son cou dans l’eau, et attendant avec calme le coup de la mort. Mais pourquoi tressaillit-il ainsi, lorsque ses yeux rencontrèrent le fil de l’onde ? C’est qu’il aperçut alors sa propre image. Il n’était plus le gros, le lourd, le laid canard vert que vous savez ; non, il était maintenant devenu lui-même un orgueilleux cygne, un des rois de la gent emplumée ! Sans doute, il était né dans la basse-cour ; mais, vous le savez, on y peut bien rencontrer quelquefois un œuf de cygne. Et maintenant comment raconter les transports de joie et de bonheur du jeune et beau cygne en songeant à toutes les misères, à toutes les infortunes qui avaient été son partage pendant les jours de son enfance ? À présent, du moins, il savait apprécier le prix du bonheur, ainsi que celui de la beauté dont il était revêtu et entouré. Les grands cygnes, eux aussi, le regardaient en lui faisant force gestes d’amitié, et en caressant amoureusement ses plumes avec leurs becs. À ce moment quelques jeunes enfants parurent dans le jardin, et coururent joyeusement vers la pièce d’eau, pour jeter aux cygnes du pain et des grains de blé. « Ah ! regardez donc ! en voilà un nouveau ! » s’écria le plus jeune de ces enfants, et le reste de  la bande fit aussitôt retentir l’air de ses cris de joie… « Oui, en voici un nouveau ! » répétèrentils tous à l’envi. Et ils battirent des mains, puis se mirent à danser, à gambader, pour, finalement, courir de toutes leurs forces faire part de la découverte à leur papa et à leur maman. On jeta dans l’eau force gâteaux et morceaux de pain, et chacun de dire : « Oh ! c’est le plus jeune qui est bien le plus beau de tous ! La charmante petite créature que cela fait en vérité ! » Et les vieux cygnes étaient beaucoup trop bons pour en ressentir de l’envie ; tout au contraire, ils saluèrent leur nouveau compagnon avec la plus exquise politesse. En voyant et en entendant tout cela, le petit oiseau, naguère vert sale, se sentit tout confus. Il cacha sa tête sous son aile, sans trop savoir ce qu’il devait en penser. Il était au comble de la joie, et cependant il n’éprouvait pas le plus léger sentiment de vanité ; en effet, il n’y a jamais d’orgueil dans un bon cœur. Seulement il songeait, mais sans aucune amertume, au temps où chacun le tourmentait et le conspuait. Quel changement, aujourd’hui qu’il entendait chacun  dire de lui qu’il était la plus jolie créature qu’on pût voir ! Et le sureau, avec ses longues branches vertes et ses fleurs odorantes, se penchait vers lui sur l’eau, tandis que le soleil le réchauffait de ses rayons les plus doux. Alors le plumage de l’oiseau, naguère objet de tous les mépris, produisit un bruit sourd à mesure qu’il s’avançait ; son col élancé et délié se développa dans toute sa grâce et dans toute sa longueur, comme s’il eût eu la conscience de sa forme vraiment royale ; tandis que dans la joie de son cœur il s’écriait : « Ah ! je n’ai jamais rêvé d’un bonheur pareil dans les jours où j’étais LE PETIT CANARD VERT ! »

 

تهیه و تنظیم: الهام نورکیهانی              

 

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